L’inflation dans la zone euro s’est à nouveau accélérée. Selon une étude de Bloomberg, l’indice des coûts de consommation a progressé de 9,1 % entre le mois d’août 2021 et le mois d’août 2022. Cette augmentation est la plus forte jamais observée depuis la mise en place de la monnaie unique. Certes, la guerre en Ukraine ne favorise pas la situation car l’inflation a surtout été propulsée grâce à la flambée des prix du gaz.
Néanmoins, lorsque nous mesurons l’inflation de base, nous remarquons que même en ignorant les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, la hausse des prix n’a pas été aussi forte depuis plus de 20 ans. L’inflation de base (hors alimentation et énergie) a augmenté jusqu’à plus de 4,3%. Un score inédit, qui devrait inciter la BCE (Banque centrale européenne) à prendre des mesures plus énergiques que prévu. La guerre en Ukraine ne constitue donc pas l’unique facteur responsable de la montée des prix. La planche à billets et la relance brutale post-COVID contribuent également à accentuer l’inflation. Dans tous les cas, avec une telle vitesse d’accélération, la BCE pourrait être amenée à relever ses taux plus que prévu. Avec les marchés elle pourrait augmenter les taux de 50 points de base est déjà une certitude. Toutefois, la plupart des analystes pensent désormais qu’elle augmentera les taux de 75 points de base. Est-ce mauvais ou bon cela ?
La réponse est difficile à donner, car les décisions de la BCE sont susceptibles d’avoir de lourdes répercussions dans un sens comme dans l’autre. Dans les sections suivantes, nous allons examiner de près la façon dont l’inflation actuelle compromet la viabilité de la zone euro.
L’explosion de toutes les sources d’énergies électriques à cause du prix du gaz
Nous savons tous que la situation énergétique actuelle de l’Europe devient de plus en plus délicate. En effet, au fur et à mesure que la saison hivernale approche, les États membres de l’UE ne font que crier. Car même en rechargeant à 100% les magasins, ils ne vont pas échapper à la crise du gaz si la Russie ferme ses vannes. Il faut dire en même temps les choses sont déjà compliquées :
- Augmentation des maintenances en Russie
- Gazoduc Nord Stream 1 tourne à 20% de ses capacités
- Les vannes coupées à Engie par Gazprom
En effet, il faut retenir que le gaz n’est pas seulement utilisé pour préparer les aliments. Il représente aussi l’une des sources capitales énergétiques d’Europe. Ainsi, les répercussions de son manque actuellement se ressentent déjà dans certains pays européens.
En France, par exemple, par rapport aux années précédentes, le prix de l’électricité est déjà plus élevé. Il est vingt fois plus cher que dans le passé. Cela peut paraître étonnant lorsque vous savez que le gaz occupe moins de 7% de la production électrique en France. En fait, cette fameuse majoration découle de la politique européenne de l’énergie qui définit le coût de l’électricité en considérant le coût de la dernière source d’énergie utilisée.
La réorganisation obligatoire de la politique énergétique européenne
La politique européenne de nos jours a de quoi faire hurler. Elle est toute assez légitime, car les raisons sont explicables. Par exemple, si le prix du gaz au niveau territorial est de 25, le fournisseur dont le prix de la centrale à gaz est de 50 ne souhaitera pas se mettre en production, au risque de perdre de l’argent. Mais les consommateurs ont besoin de cette usine à gaz pour leurs propres besoins. De plus, on ne peut pas stocker l’électricité en grande quantité. Pour cette raison, tous les fournisseurs sont appelés à être au même prix qui est très élevé. Ainsi, quand tout va bien, le système fonctionne.
Le problème est qu’avec ce système, quand les prix de la dernière usine à gaz augmentent, le prix général de l’électricité monte également en flèche. C’est ce qui amène la Commission européenne à étudier une nouvelle politique énergétique. Seulement que cela va prendre des années. En attendant, certains pays adhérents, dont la France, font pression pour décorréler le prix de l’électricité du prix du gaz. De leur côté, les solutions de rechange au gaz russe ne sauraient être suffisantes pour compenser les 155 milliards de m³ importés par l’Europe.
Une alliance entre les Européens ?
Les Européens tentent de présenter une position commune à Moscou. En effet, à l’heure où Gazprom a exigé des 27 pays membres de l’UE le paiement de son gaz en roubles, Emmanuel Macron n’a pas voulu comprendre. Mais face à la menace d’un arrêt des livraisons de gaz, de nombreux États européens ont fini par accepter les exigences de Gazprom. Désormais, l’UE propose à ses pays participants de baisser leur taux de consommation de gaz de 15% afin de limiter leur dépendance. Mais tous les pays concernés ne sont pas prêts à accomplir une telle mission. Cela est justement ce que la Russie souhaite.
La Hongrie, par exemple, à rebours de ses voisins européens, a négocié la livraison d’une plus grosse quantité de gaz que ce qui était prévu initialement dans les accords. La Bulgarie, de son côté, a rouvert les négociations avec Gazprom. De même, récemment, l’Espagne et le Portugal, qui sont moins dépendants du gaz russe, ont déjà bénéficié d’une exemption de la politique énergétique européenne. Une exemption que d’autres pays à l’instar de la France pourraient être tentés de revendiquer. En plus, il y a le projet de gazoduc entre l’Allemagne et le Portugal pour transporter le gaz liquéfié américain vers l’Allemagne. Toutefois, seule la France est contre cela à cause des motifs écologiques.
Par ailleurs, aussi douloureux que la situation puisse être à admettre, plus on creuse, plus on se rend compte que l’Europe sera contrainte de céder aux exigences russes afin de se sentir à l’aise. Car : l’hiver arrive, les tensions vont augmenter, la solidarité entre les nations sera mise à mal. Et en fin de compte, c’est la survie même de l’UE qui sera en jeu.